Patrice à Embrun

Vendredi  15 août 2014 au bord du lac ou il fait nuit je me caille les pieds sur la moquette je suis transi dans le lointain les triathlètes poussent des cris ça y est j’ai planté le décor  créé le climat de ma chanson ça sent la peur ça pue la mort j’aime bien cette ambiance pas vous ah bon….. Oui je sais référence musicale d’une autre époque pour certains mais je maîtrise moins le répertoire de Katy Pery. Comme vous l’avez compris je me suis retrouvé par ce petit matin frisquet d’ Août au bord du lac de Serre Pônçon  pour une baignade en compagnie de triathlètes nyctalopes et déterminés. Comment arrive t-on a ce genre de situation ? Eh bien ma foi un peu forcé. Lorsque j’ai commencé le triathlon il y a finalement peu de temps sur le découverte de Gérardmer sur mon vélo Nancia 6 vitesses avec changement de vitesse au cadre  et que la côte du Poli me semblait  un col hors catégorie, je ne savais même rien de cette course mythique, qui existait déjà alors que je rentrais tout juste dans la vie active. Au début donc vu les performances je ne  disais pas vraiment que je faisais du triathlon. Après j’ai pris une licence j’ai commencé à mettre des shorts moulants rose fluos j’ai même appris un peu à nager dis donc et de fait j’ai commencé à oser dire que je pratiquais ce sport. Et là ce fut  l’erreur car dans une soirée mondaine type coquetel au Real Bar de Laneuveville quand tu dis que tu pratiques le triathlon il se trouve toujours un couillon bedonnant ( CB) pour te demander :

-CB-   t’as fait avaie ? 

 -Moi-   Hawai pas avaie  ducon et tu sais au moins comment il faut faire pour aller à Hawai ?

-CB – ben faut prendre l’avion c’est pas compliqué non ?

-Moi - laisse tomber reprend un Ricard. Mais bon  ducon j’ai fait Damelevières

Le couillon bedonnant sort en instant sur le pas de la salle ou se tient la bistrot party s’allume  une clope les yeux perdus vers l’horizon ( en l’occurrence les ruines de l’usine d’en face) semblant méditer sur sort de misérable terrien alcoolique et addict à la nicotine. Rejoignant les invités il attaque à nouveau sur le sujet car le couillon bedonnant à cette forme d’opiniâtreté qui le caractérise et aussi son haleine Ricard tabac froid qui file un peu la gerbe

-CB- Si t’as pas avaie t’as quand même fait Embrun non y ‘z’en ont parlé à stade2 y disent que les VRAIS triathlètes y font Embrun

-moi-  euh ah oui ben justement je suis inscrit depuis hier et je fais le prochain 

Et là tu vois une petite étincelle dans son regard de brème tu es content de lui fermer son clapet empuantit  mais il va falloir maintenant assumer ce  court moment jubilatoire et te taper vraiment Embrun.

Donc je me suis inscrit et j’ai les pieds dans l’eau et il fait nuit et je suis un peu inquiet quand même.


Départ donc 6h00 tapantes je rentre dans l’eau partageant un instant les sensations de Gilbert Montagné quand il rentre dans sa baignoire. Seule différence  je ne chante pas en regardant en l’air et en secouant la tête.  Prudent je laisse le gros de la troupe devant et je me place sur un côté  guidé par les frontales des Kayakistes et la bouée qui clignote au loin. Je comprends enfin l’utilité de la nage polo que nous pratiquons à l’entrainement. Ca me coute de le dire mais merci  Joël  je vais peut être m’en sortit grâce à toi. Au bout d’une demi heure le jour se lève Zamora est déjà dans son deuxième tour et moi je commence à nager tranquillement. Brume sur le lac il ne manque plus qu’une musique de Richard  Cleydermann et deux cygnes à la con qui tournent en rond pour faire une ambiance kitch.

Après deux tours de lac et 1h18 de natation je prends pied sur la berge fidèle à mes temps habituels. Je ne pense plus à Zamora sa combi à lui est déjà sèche.


Transition longue parfaitement assumée et programmée près de 10 minutes pour mettre mes plus beaux habits de cycliste un peu de pneumorol sur mon torse une petite laine pour aller dans la montagne du beurre de cacahuète dans le short le tout en compagnie de Lucien Van Ioos mon voisin de siège qui nage toujours à la même vitesse que moi en compétition.( normal on a le même entraineur et les mêmes qualités intrinsèques de nageurs).

Nous enfourchons nos bicyclettes en  chantant :  Izoard nous voilà sur l’air de Marechal nous voilà l’euphorie en partant au combat.

Départ vélo côte à côte donc avant d’attaquer les cotes qui nous attendent tout au long du parcours. Au bout de neuf cent mètres à peine soucieux de donner un peu de piquant à l’aventure je décide de faire mon Gégé et de me vautrer sèchement  en plein ligne droite sans raison apparente juste pour rire et distraire le public nombreux à cet endroit.. Le contact avec le bitume est brutal, rugueux et sonore.

Lucien qui me suivait un peu derrière me demande alors que le contact avec le sol venait juste de s’établir et que nous en étions seulement aux classiques formules de politesse.

LVI – Ca va Pat ?

Comment dire ……toujours délicat de répondre à ces questions reflexes ancrées dans nos cerveaux par notre bonne éducation et l’impérieux besoin de montrer de l’intérêt au malheur des autres sans pour autant s’impliquer vraiment.

De but en blanc on aurait tendance à répondre que non vu qu’au moment où la question arrive on a les premiers retours sensoriels qui confirment que l’ouate est plus confortable que le bitume, que P=mg sans parler du vecteur V et que ces foutues tenues fluo certes  fort seyantes restent excessivement fragiles et peu protectrices pour nos corps dégraissés et épilés.

donc spontanément on dirait bien

Tu vois bien que non bordel fais pas chier !!  ou Maman bobo. !! Mais nous sommes des gens bien élevés et nous savons taire notre douleur et notre désarroi.

Une approche plus médicale et posée pourrait nous amener à dire.

T’inquiète pas mon Lucien je ne souffre que de quelques derma-brasions à la fesse droite d’un léger hématome au coude et d’une légère douleur acromio-claviculaire mais rien de bien méchant. Je suis surtout fort contrit d’avoir déchiré ce petit ensemble Ekoi  fort seyant que j’avais touché pour une bouchée de pain aux soldes de printemps.

Mais je ne suis pas docteur House et j’ai le diagnostic un peu lent et puis surtout le Lucien lui il continue à rouler donc ca limite le temps de parole pour rester dans son champ acceptable d’audition. Cela prouve aussi que la solidarité à ses limites et que tout le monde veut rattraper Zamora

Donc  j’ai répondu : ca va ca va t’inquiète en me redressant le plus vite possible pour limiter l’effet de ridicule et surtout ne pas me faire rouler dessus par tous les petits Zamoras qui avaient nagé moins vite( oui cela existe)  que moi et voulaient prendre leur revanche en vélo.

Je me suis mis sur le côté j’ai enfourché le vélo manqué de tomber un deuxième fois en tentant de repartir avec la chaine déraillée.  Pendant que je remettais ma chaine une brave dame est venue me demander : mais comment vous avez fait votre compte ??

Bon écoute jacqueline tu permets que je t’appelle Jacqueline je viens tout juste de me taper un sujet de philo sur le « ca va ? » , alors pour le « comment ? »t tu regardes les ralentis et tu me fais un compte rendu à l’arrivée j’ai  Zamora à rattraper. Neuf cent mètres de vélo une séance de ridicule le corps meurtri et deux questions à la con il y a des jours comme cela ou ca part mal.

Enfin parti j’attaque la première bosse de la journée et je finis même au bout de quelques kilomètres par rejoindre LVI on échange un peu sur les suites de ma chute… no comment.

Parcours vallonné belle vue sur le Lac retour vers Embrun pour aller chercher la direction de l’Izoard je croise ma chérie qui m’encourage au bord de la route ca fait du bien. Longue approche pour arriver au plat de résistance du jour entre montées et descentes les paysages sont superbes. J’essaye de suivre les conseils que l’on m’a donné et je roule à l’économie sachant que la journée risque d’être plus longue qu’un repas familial à Noël. Passé Brunissard nous attaquons les pourcentages intéressants de  l’Izoard et là pour monter à l’économie et tenter d’échapper à la loi de la gravité cela devient tout de même  un poil compliqué donc je lève mes fesses de la selle ( la douloureuse et celle qui est  en forme pas de jaloux). Passage à casse desserte léger répit avant l’ascension vers le sommet : effet waouh garantit. Joe Dassin aurait vu cela il aurait évité de nous faire chier avec ses aquarelles de Marie Laurencin dans l’été indien. En même temps dire à une fille qu’elle est belle comme la casse déserte dans le col de l’Izoard c’est le meilleur moyen de continuer à jouer au scrabble tout seul.

Passage au sommet c’est beau mais c’est froid. Pose casse croute habillage. Petite pensée nostalgique à un ami qui m’avait si bien décrit l’endroit. Il est temps de reprendre la route sinon ce foutu Zamora va finir par arriver avant moi.

Descente rapide  vers Briançon arrivée là, deuxième effet Kiss cool garantit. On récupère un vent trois quart face  idéal en intensité pour le Kitesurf mais un peu contrariant pour ce qui est du vélo. Du coup le plat semble monter et les montées monter encore un peu plus. Passage à la côte du Pallon. Je peux vous le garantir dedans  y’a pas de pommes mais pourtant c’est du brutal. Deuxième secteur encouragements de ma chérie il faut cela car la route est droite mais la pente est rude comme me dit souvent mon couillon de chef quand il me fixe mes objectifs semestriels. ( c’est un spécialiste des métaphores à deux francs). Pour les plus jeunes le franc et l’ancêtre de l’Euro et son petit nom était balle

Au bout d’un très très long moment fait de diverses ascensions on finit péniblement par rejoindre Embrun on croise les premiers coureurs qui sont sur le marathon. Mais là pas d’excès de joie intempestif le road book parlait de la côte du Chalvet elle est bien là alors que l’on sent l’odeur du parc à vélo on remonte une interminable pente parsemée  de gens bien intentionnés qui t’annoncent le sommet à chaque virage avec autant de conviction que François Hollande la baisse du chômage mais avec le même effet.  Enfin cela se produit ( pas la baisse du chômage) et on redescend enfin par une route défoncée vers le parc à vélo .

188 kms  et 7h50 j’ai plutôt bien géré mais bon c’est tout de même moins paisible que le col du Minet force m’est de le reconnaître.


Transition longue de change à nouveau et c’est parti pour 42 bornes de bonheur. Tour du lac, je croise Steph qui est dans son premier tour, traversée de la ville au milieu des touristes indifférents pour les uns et enthousiastes pour les autres. Ensuite on s’écarte de la ville et on part un peu au milieu de rien. La définition du rien dans ce coin c’est un endroit morne pentu et avec du vent  et plus chiant à parcourir que de lire tout l’hiver  des essais de Finkielkraut dans une Youtre sans chauffage en Laponie en écoutant le dernier CD de Christophe Mahé. . je rattrape Bertrand il va bien

 Au bout de 17kms retour à la civilisation re tour du lac dans un sens passage près de l’arrivée ( merde Zamora est déjà rentré). J.

Je me fais claquer la fesse par Mister Genin le lutin coureur qui vient de me mettre 21 kilomètres dans la vue. Franchement il en faut plus pour me démoraliser.

Je récupère mon chouchou qui valide le premier tour pédestre enfin un truc qui y ressemble. C’est blanc et rouge un poil élastique ca peut aller au bras mais ca passe aussi autour du cou enfin ca pue pas c’est l’essentiel. Moi je mise pour les bandelettes de la momie de Néfertiti  mais sans garantie.

C’est repartit pour un tour toujours avec ce foutu vent qui complique la besogne. Je rattrape Brice en prise avec des soucis gastriques moi je commence à avoir un peu mal aux gambettes mais c’est la loi de ce sport. Arrivé au trentième à chaque pas j’ai juste pas  très envie d’en faire un autre mais c’est comme cueillir les haricots je me force. Dès que cela monte il y a des marcheurs et du coup je double pas mal. Je reste fidèle à mes principes un marathon ca se court même si parfois je ne cours pas très vite je tiens et là au moins je suis content d’avoir un caractère de cochon. j’ai le bras droit qui refuse de faire des allers retours endolori par ma chute vélo mais j’ai pas l’intention de faire le poirier. Dernier passage au lac près de ma chérie encore 4 bornes et je vois enfin le bout. J’arrive près du tapis bleu comme tous les tapis d’arrivée le speaker annonce mon nom je suis fier comme un Vacker en franchissant la ligne 233ème. Je n’ai pas rattrapé Zamora pour finir je ne comprends pas.

3h48 au marathon , 13h12 d’effort  pour 30 secondes jubilatoires mais  surtout une sacrément belle journée . En souvenir deux tee-shirt assez laids que pourtant je garderai surtout le deuxième une médaille en chocolat mais j’aime le chocolat. A l’arrivée une bouteille d’eau de 50cl nous est offerte point barre c’est simple et cela se digère bien.

Je rejoint le parc à vélo je me pose sur ma chaise et là je savoure l’ instant au milieu des vélos rangés droits comme des I sur des barrières Vauban. J’ai un peu mal partout mais franchement je m’en fous.


Merci à ma chérie toujours là pour me soutenir dans ces moments finalement très égoïstes et pour qui j’irai au bout à chaque fois si on ne me coupe pas les jambes

Merci à Carole, Josiane, Marie , Eliot Gaspard  pour leurs encouragements dans le froid.

Merci à Stéphane(lui pouvait rattraper Zamora) , Brice , Renaud Lucien ( oui je vais bien) , Bertrand pour avoir partagé ces moments en course.

Merci à Thierry pour m’avoir guidé dans la gestion de cette course et qui aurait partagé tout cela avec nous sans l’incompréhension  et la bêtise de la femme de John Lennon . Sal… !!!