IM Lanzarote par Thierry

L’histoire démarre en mai 2007, une petite sortie vélo dans les Vosges, avec quatre à cinq couples d’amis, une petite tarte aux myrtilles à la terrasse du relai du Donon, le décors est planté, et puis cette petite phrase venue de nulle part : « Si on faisait le triathlon distance olympique de Gérardmer? » .

Me voilà donc huit courtes années plus loin, ce matin du 23 mai 2015, 7h00, Puerto del Carmen, Los Fariones-beach, Départ de l’Ironman de Lanzarote pour obtenir ce que j’espère être quelques heures plus tard ma dixième breloque sur la distance.

Vous connaissez pour beaucoup ces instants, le regard fixé sur cette première bouée à 200m, tout comme les 1800 à 2000 pèlerins qui n’ont tous qu’une seule envie : nager à vos cotés, d'une même allure, tout en vous empêchant de poser votre technique travaillée et perfectionnée tous l’hiver grace aux conseils avisés de Joel et Thomas : 

« allooooonnnngeuuuuu, serre les doigts, appliquééééééééé » …

……. PAN !!!! …..

Au préalable, fort de mes riches expériences du passé, et cela je tiens à m’en débarrasser de suite, il aura fallu « bel et bien cliquer », et surtout vérifier 20 à 30 fois que mon nom figurait en bonne place sur cette start-list.

Lanza, c’est historiquement une des plus vielles courses du circuit IM, c’est un des ancrages fort du triathlon en Europe, le club « la Santa » , une natation en mer dans une eau limpide, un parcours de 180km unique en une seule boucle, les champs de lave de la réserve du « Timanfaya », les Miradors avec leurs corniches et leurs points de vue époustouflants,.. Bref, une course chargée de tant de mythes qu’un triathlète convaincu souhaite pouvoir accomplir un jour.

Lanza c’est aussi une manifestation très précoce dans la saison, et particulièrement pour des sportifs du Nord-Est. La préparation, se doit de débuter en décembre, avec dès les premiers mois rudes de l’hiver des sorties un peu plus longues, ou bien dans le froid, ou bien remplacées par quelques heures de « home-traineur » devant Eurosport et les « Winter-Games ».

Lanza c’est aussi la chaleur. Certes, rien à voir avec les 35° de Nice 2009 et 2011 ou bien d’Embrun 2012.. Tout juste 25 degrés à l’ombre entre 12h et 18h, mais il n’y a pas d’ombre… et ça pique d’autant plus que bien souvent, on y arrive avec très peu, voire aucune sortie sous forte chaleur(ce qui fut malheureusement mon cas cette année…).

Et enfin, Lanza c’est d’abord et surtout « LE VENT » , omniprésent, omnipotent, assourdissant, harassant, dangerossissant, cassecouillissant, parfois moins présents selon les années, toujours là malgré tout, et en 2015, Eole avait décidé de sérieusement s’occuper de notre cas !!! 40 à 45 km/h en continu, avec nombreuses et soutenues rafales déconcertantes à 60… Yeah Baby, let’s Rock !!!

Une fois les ingrédients en place dans le « shaker », la décision vous appartient de « cliquer » ou bien de ne « pas cliquer ». 

Stéphane et Patrice, hésitants au départ, choisirent cette dernière option. Stéphane en raison de nombreuses contraintes de planning, et quant à Patrice, pour avoir eu la chance de rouler un jour, près du Ventoux par « force 12 » , avec ce dénommé « Bigeard », et après l’avoir vu, lui pourtant si calme et si posé, exténué par quelques heures dans ces conditions soufflantes, en passer une énorme à notre pauvre Xavier, se transformer en « psychopathe de la pédale » et l’insulter très gravement dans des termes que ma mère m’interdit de citer ici… Ton choix fut judicieux !!!

Pour les « Cliqueurs » , Bertrand Hary alias « le bébert » et Nicolas Claude alias « le Nico » complétaient notre trio des « frères Gibbs roses et noirs », « the black & pink Bee Gees Laneuveville boys ». 19 mai, en route pour Frankfort- international Airport, petite pensée pour nos amis Charles et Renaud qui seront bientôt eux aussi le long du Main, mais pour écraser leurs pédales et envoyer de la grosssss brakassss sur leurs Kolossales machines. Quand à nous nous espérions juste ne rien écraser du tout pendant ce vol sur « Condor-Airlines » en partance pour les îles Canaries…

Accompagnés par nos familles et fidèles supportrices, il ne nous restait plus qu’à temporiser avec trois jours de grosse fiesta avant le « swim-start » . Piscine, plage, palmiers, sable fin, bar à cocktails, cacahuètes, chips, olives aux anchois, pintes de bière fraîche, mojitos, margaritas, buffets à volonté, oeufs brouillés, bacon, beans, pancakes au chocolat, viennoiseries, côte de bœuf, journée entière au soleil pour parfaire notre bronzage d’avant course, hamburgers frites à 16h pour le gôuter(les protéines c’est très important…), apéro le soir, sangria, rioja, puis gogo danseuses et boîte de nuit jusqu’à 5 heure du mat, Bebert et Nico dansant la « Macaréna » leur sliboune vissé sur le crâne.. Faut bien tuer le temps, c’est toujours long les veilles de course.

Blague à part, et bien que ce programme fut en fait celui des filles, de notre côté, nous avons bel et bien tous les trois« fait le métier ». Malheureusement, malgré toutes les règles, de prudence alimentaire et de repos, bien respectées, Nico fut victime d’une vilaine intolérance ou intoxication alimentaire la veille et la nuit précédent le départ. Quand on connait le garçon, sa gentillesse, l’implication qu’il a mis dans sa prépa avec toutes les contraintes professionnelles et familiales qui sont les siennes, les sacrifices que cela comporte, notre tristesse et notre compassion furent un bien fable réconfort dans cette situation, mais ne l’empêchèrent pourtant pas de nous supporter et de nous encourager tout au long de cette journée… Tu t’étais entrainé comme jamais et sans « râler » .. c’est pas juste et je te félicite quand même.. Bravo Nico…

On peut donc reprendre quelques lignes plus tôt, « … le regard fixé sur cette première bouée à 200m, tout comme" »…

……. PAN !!!! ….. Swim-Bike-Run…

Swim : tout le monde doit passer sous une arche de 10m de large, c’est ça aussi Lanza, donc la « bataille » commence déjà 15 minutes avant le top, car il faut maintenir son rang dans les premières lignes si on souhaite partir un peu fort et essayer de s’extraire ainsi du gros ban de sardines.. Malgré tous ces efforts, la première boucle reste compliqué et dès le coup de feu, avant la première marque (à 200m) car c’est vraiment le « Bronx », nage polo, 1 temps, deux temps, pif paf boum, aille... On peut enfin nager à peine mieux ensuite jusqu'à la sortie dite « à l’australienne ». Le premier tour est bouclé en 31’… c’est bon ça « picpic », je me mets même à rêver d’un second tour sans gêne un peu plus rapide, mais la suite fut malheureusement moins drôle avec, oh surprise l’arrivée soudaine d’un assez fort courant contraire sur les 800 derniers mètre !! d’un coup d’un seul, sans prévenir... « le batard !!!» . 1h 05 au final, dans les 300 à la sortie du parc, c’est plutôt même mieux que d’habitude.

T1 : c’est long… récupérer les sacs, bien se rincer les pieds de ce foutu sable très très fin qui s’insère partout, obligé de mettre ses chaussures avant le vélo(élastiques trop dangereux à cause du vent!!)..

Bike : c’était prévu, c’était attendu, on nous l’avait dit, il est là, le voilà, ouvrez le rideau, le voici, son Altesse : « LE VENT ». Si on y ajoute les 6 km supplémentaires ajoutés au circuit cette année comme une petite « cerise sur le gâteau » … vous comprendrez pourquoi le meilleur temps vélo réalisé au tableau final sera de 5h05( et suivi pour son auteur d’une magnifique explosion sur le marathon … ). Le plan de bataille était très très simple : prudence, prudence, prudence… déjà ne pas tomber, ne JAMAIS lâcher le guidon, se ravitailler dès que les conditions le permettaient, et ne pas se laisser emporter par de fausses allures surtout sur la première partie. « ...La course ne démarre qu’au km 80 et la lente montée vers les miradors… » , voilà ce que l’on peut lire et entendre un peu partout, et qui me semble assez juste. Je vous épargnerai plus de détails accablants, mais je pense avoir fait un vélo dans mes prérogatives, allure régulière du début à la fin, plan d’alimentation et d’hydratation suivi à la lettre et sans changer aucune habitude, pas de tracas digestif, bonnes jambes sollicitées raisonnablement, pas de passage « dans le rouge » , de la lassitude et heureux d’arriver entier, sans casse mécanique, ce qui ne fut pas le cas de tout le monde, témoin de quelques chutes tout au long de cette route… 6h10, 183km, 2500m de D+, 29km/h & « a strong wind » , y a mieux mais pas pour moi, je pose 200ème!!

T2 : peu de vélo sont rentré au parc, ça c’est sûr… une bénévole s’emploie très amicalement à m’enduire le corps d’une espèce de pâte dentifrice très épaisse, si bien qu’après un petit détour par les « algécos de la mort » , me voilà enfin en place pour l’ultime portion.

Run : là aussi, innovation de taille, le parcours se compose de trois boucles, la première de 22 km et les deux suivantes de 10. C’est donc avec le fameux « Ventdfassss » cher à notre ami Renaud qu’on nous propose gentiment de gambader sur les onze premiers km jusqu’à Arecife, en passant au Sud du Tarmac de l’Aéroport, avec aucune zone ombragée et de fortes rafales comme précisé plus tôt si vous avez suivi …. Pendant tout le premier semi, l’allure est régulière, je ne me laisse pas affoler par la vitesse, entre 4’50 et 5’ au kilo(TTC ravitos, arrêts, etc…), les gels passent bien, tout comme la boisson et ça sera le cas jusqu’au bout. Je reprends pas mal de concurrents, tout se passe bien et je suis sans forcer sur les bases des temps que je connais bien sur la distance. Mais comme un plan ne se déroule jamais sans accrocs, je réalise vers le KM 24, 25 et 26… que « ça fera pas » jusqu’au bout,... c’est un « COUP de CHAUD » .. à minima, mais coup de chaud quand même… Il faut finir maintenant, ça passe à 10km/h donc je serre quand même un peu les dents, chacun mettant le curseur de sa souffrance où il veut bien le mettre!!! Cath me dit évidement « mange !!! t’as une sale gueule!!! » , et j’ai envie de lui répondre « je t’aime moi aussi » . 3h50 au marathon, c’est pas ce que j’ai fait de mieux c’est sûr, mais je m’en contente très très bien.

Finish line : je me demande parfois si je ne fais pas « TOUT CA » …rien que pour cette « PETITE MINUTE » ..???… Juste avant, pendant et juste après. C’est court, c’est bref, et je ne sais pas décrire !!!

Result : 11h18-184 scratch-20ème de la caté. Et puis merde quoi, J’ai 45 balais !!! J’ai à peine le temps de réaliser que c’est fini, je serre dans mes bras Cath et Juliette, je pense très très fort à mon petit bonhomme de Milo, à mon papa, ma maman, mon frère, ma famille mes proches… il y a même quelques larmes… Pourquoi? j’en sais rien mais c’est comme ça… Peut-être l’impression comme à chaque fois d’une Re-naissance, d’être en VIE… et pour de bon!!! Bref, heureux, simplement, et pour de vrai !!!

Je repars accueillir Bertrand, il arrive 30 à 40 minutes juste après et a effectué une course très solide comme à son habitude. Il a souffert tout comme moi probablement de la chaleur, pourtant on ne se cherche aucune excuse, devant c’est très très fort, nous avons beaucoup de respect pour tout le monde, mais on est largement aux avant-postes. Pour de vieilles mûles comme nous, c’est une belle source satisfaction, une large récompense pour tout le travail, les sacrifices et la longue préparation effectuée… Et nous en sommes fiers…

Merci à tous pour vos pensées, ondes positives, et vos messages,

Arrivée à Frankfort et atterrissage dans 10 minutes, ça passe vite finalement un vol retour…